A l'automne dernier, je commençais un peu à m'ennuyer sur les sentiers du coin, j'ai donc décidé pour varier les plaisirs de passer à l'acte sur un truc qui me trottait dans la tête depuis un moment : le 69er.
Constat à l'époque : mon Pine Mountain 2007, monté en monovitesse tout rigide est un bon vélo de rando pour bouffer des bornes, mais pas super ludique : je serre les fesses dans les passages techniques, il tolère mal les approximations de pilotage (disons que c'est un rail et qu'une fois
la mauvaise option prise, c'est souvent trop tard pour rectifier au dernier moment, contrairement à ce que je peux faire avec mon instigator).
En plus de ça, son bdp est plus bas que sur tous mes autres vélos : ça frotte régulièrement pédale en bas dans les relances sur des sentiers un peu creux (ce vélo était monté avec une fox en 100 mm d'origine).
Ce qui me freinait pour faire le test, c'était justement cette stabilité et la longueur du cadre : j'avais peur de me retrouver avec un camion.
A l'inverse, je voulais gagner en adhérence, capacité de franchissement et accessoirement, confort.
Mais la crainte de l'ennui venant, je me décide à sauter le pas : je contacte Yann, qui me revend (grâce à son passage au fat) les composants d'une roue 29 et l'un de ses fameux Kodiak en 29x2.5
Je rayonne tout ça, et c'est parti pour un test sur plusieurs semaines.
Mon terrain de jeux : le sentier littoral breton, succession de bosses courtes et de virages, le tout sur un terrain en terre et rochers lisses + des sous bois sinueux et pentus, boueux et racineux, pratiquement sans caillasse.
Config testée :
- cadre Marin Pine Mountain 2007 en Colombus Zona, (18 pouces à la louche et un TT de 580 mm environ)
- fourche rigide surly de 445 mm
- roue arrière : Mavic Crossland + Barracuda 2.1 en Tubetype
- Roue avant : Moyeu LX + jante Salsa Delgado Race + Kodiak 29x2.5 (taille davantage comme un gros 2.3 Spé en pratique)
- Freins : BB5 160 mm (Ar) et BB7 180 mm (Av)
- 32x18
- Potence Salsa 50 mm + cintre Salsa moto Ace semi relevé
- Pédales plates Shimano DX (picots courts à éviter d'ailleurs).
En statique :
rien de bien spécial. Le cintre reste plus bas que sur mon endurigide, il est juste relevé comme j'aime. RAS
Bon esthétiquement, c'est assez moyen. Pas golden number approved du tout je pense...
En cote modérée :
je n'avais pas spécialement pensé à gagner de ce coté. Ceci dit, aux premiers tours de roues je me rends compte que le fait que l'avant avale mieux les obstacles aide franchement à conserver de l'inertie et a passer plus vite, plus haut ou mieux. Bonne surprise.
En cote forte et roulante : là, on arrive aux limites de la manip : l'avant plus relevé est moins agréable en danseuse, mais en single, ça passe. En revanche, en multi assis sur la selle je serais pas surpris que ça déleste. Peu importe, je ne roulerai de toute façon pas avec des vitesses.
En cote trialisante : pas de net progrès puisque le diamètre de la roue arrière ne change pas. De toute façon, en 32x18, pas de miracle à attendre de ce coté là.
Globalement, le bilan quand ça monte est plutôt positif.
Mais ce n'est pas pour ça que j'ai testé ce montage.
Passons aux choses plus marrantes :
- Singletracks ludiques et roulant, sans descentes brutales.
Je mets un moment à trouver le mode d'emploi, puis je me décide à rentrer dans le lard du bouzin.
Et là, je découvre le pouvoir d'adhérence du 29, surtout avec de gros boudins. Pratiquement impossible de faire décrocher l'avant (j'ai réussi une fois sur du sable meuble en dévers).
Du coup, je peux bourrer comme un âne et tourner en brusquant le vélo sur l'angle et en chargeant l'avant sans appréhension. Le vélo a certes une chasse accrue par rapport au 26, mais le gain en facilité aide à tourner plus serré! Contrairement à ce que je pensais, pour un peu qu'on pousse dessus, on n'a pas affaire à un camion du tout!
La réhausse du BdP, qui permet de ne plus toucher (ou moins) permet aussi de délester l'avant plus facilement, de mieux enrouler les obstacles, voire de changer d'assiette en levant la roue avant.
Revers de la médaille, ça pousse à être à bloc tout le temps, et ça se révèle crevant pour vraiment s'amuser. Mais je roule un peu pour ça aussi.
- Descentes rapides, sinueuses : là encore, je m'attendais à perdre en maniabilité.
En fait, c'est vrai si on essaie de tourner comme avant, mais on peut compenser en chargeant là encore l'avant et en prenant de l'angle. Au final, ça passe aussi vite qu'avec l'Instigator même si c'est un peu moins fun car plus brutal.
- Passages trialisant, tout droit : quasi impossible de passer par dessus de le guidon et l'avant ne bute pratiquement plus sur les petits obstacles.
En dépit de la longueur du cadre et de la hauteur du TT, je passe easy là où je me tâtais parfois avec l'Instigator! Y compris si c'est humide... Pourtant les Kodiak ne sont pas des pneus de boue.... Encore du tout bon.
- passages trialisant en épingles : ben là, forcément, c'est un peu le point faible. Le rayon de giration du vélo est augmenté, ça passe moins bien.
Ceci dit, l'augmentation de la chasse rend le sur-place super facile. On peut donc compenser partiellement en passant quasi à l'arrêt. Mais ça a ses limites... Mais ce type de config est exceptionnelle ici.
Conclusion : contrairement à mon appréhension initiale, le 69er se révèle carrément plus marrant à rouler que le 26 sur ce vélo, et permet d'augmenter clairement les capacités de franchissement, l'adhérence en courbe et au final le plaisir de roulage.
Ce n'est pas une config que je recommanderais à quelqu'un roulant en multi dans les alpes, à cause d'une tendance probable au délestage de l'avant et à cause du rayon de braquage pénalisant dans les épingles de montagne, mais pour tous les singlespeeders qui veulent tester la plus-value du 29 sans changer de vélo... c'est à essayer.
Revers de la médaille : pour en profiter pleinement, faut se tirer sur la couenne plus que de normale. Je conserve donc ce montage, mais pour des randos longues et roulantes comme il m'arrive (rarement) d'en faire avec d'autres cyclistes, je reviendrai peut être au 26...
En tout cas, mes idées reçues sur les inconvénients potentiels de ce type de montage se sont révélées en grande partie fausses.
En matière de vélo, Yann a raison : tant qu'on a pas essayé... on peut pas savoir.