Il ne manquait plus que ça…. Encore une fois le grain de sable tant redouté me sape définitivement le moral. Il me reste encore environ trois cent kilomètres à parcourir et il est impossible que la manivelle tienne. Je pense déjà à me rapatrier vers la gare la plus proche et rentrer chez moi. J’essaie quand même de réfléchir à une solution de secours, c’est à dire trouver un pédalier pour pouvoir continuer. Je regarde les annonces sur Troc Vélo, avec un peu de chance un pédalier sera à vendre dans le coin. Recherche vaine, je suis en BB30 et ce format n’est pas le plus répandu.
Là, une chaîne de solidarité se met en place via les réseaux sociaux pour que je puisse continuer ma route avec un nouveau pédalier. Manque de chance, nous sommes le 08 mai et les rares magasins ouverts n’ont pas de pédalier compatible en stock.
Dépité je continue vers le CP9 en espérant que ça tienne au moins jusque là. Du coup je pédale sur une seule jambe en essayant de soulager au maximum la manivelle gauche. Il y a du vent, des vagues et les kites sont de sortie. Je laisserai bien tomber mon vélo pour aller naviguer !!
Il y a de plus en plus de monde en ce jour férié et il me tarde de m’éloigner de la côte pour retrouver la tranquillité des chemins.
Maël, quatre ans me valide le CP9 et repart direction Lorient en réfléchissant encore à une solution perenne pour terminer cette épreuve.
Heureusement que la suite est roulante car le jeu est de plus en plus présent.
Étant par principe contre l’ouverture des commerces les dimanche et jours fériés, là j’avoue avoir mis mes convictions de côté en appréciant qu’un magasin de bricolage soit ouvert ce jour là !
J’achète donc de la colle bi-composant en espérant que cette réparation de fortune durera jusqu’à l’arrivée. J’en profite également pour acheter de quoi manger pour ce soir le temps que la colle prenne.
Direction maintenant Plouay, lieu du CP10.
Le sentier VTT qui suit est ludique mais l’état de ma manivelle m’inquiète et m’empêche d’en profiter pleinement : je passe les remontées raides à pieds pour ne pas forcer dessus et éviter de tout casser. Il n’y a plus de jeu mais ça reste malgré tout fragile.
J’entame ensuite une longue portion le long d’un canal : c’est plat et roulant et c’est tant mieux car ça permet d’économiser l’homme et la machine.
Un sentier montant me sort de cette semi torpeur et me mène vers Plouay. Entre temps je franchis un passage sur un pont étroit au milieu d’un étang et une portion « marteau piqueur » qui restera gravée dans les esprits de tous les participants.

Plouay arrive assez rapidement et j’en profite pour m’arrêter manger dans un abribus en ville, comme un SDF finalement ! Je vais attaquer ma troisième nuit, et normalement dernière, puis il me restera un CP puis c’est l’arrivée.

Je repars habillé plus chaudement pour attaquer une partie plutôt orientée VTT. Les forêts traversées regorgent une nouvelle fois de sentiers ludiques mais c’est la nuit et je n’en profite pas comme en plein jour. La fatigue commence à se faire sentir et ma moyenne est au plus bas.
Tout d’un coup, j’entends une musique lointaine, une sorte de musique folklorique.
Pour mieux comprendre mon étonnement, voilà le contexte : je suis seul au monde depuis des heures, aucune trace de civilisation, la route où je suis et si étroite que deux véhicules ne peuvent se croiser et il fait nuit noire (il doit être aux alentours d’une heure du matin).
Cette musique, je l’entends donc au loin et en me retournant je vois une lueur de phares assez faiblarde.
Bon, les hallucinations commencent mais à ce point c’est la première fois quand même ! Je continue ma route et malgré mon faible rythme, j’arrive à semer ce « truc » !
Alors là je ne sais pas ce que j’ai fait mais arrivé sur un rond point je reviens sur mes pas croyant continuer dans la bonne direction.
Et là je me retrouve face à mon hallucination : un cortège de plusieurs véhicules, une personne en vélo et une autre courant derrière une camionnette toutes portes arrières ouvertes.
Je m’arrête, un peu stupéfait par ce que je suis en train de voir ! En fait c’est une sorte de course à pieds en relais au travers de toute la Bretagne dont le but est de promouvoir la langue bretonne.
Bon, je dois avouer qu’aujourd’hui, et vu mon état de fatigue à cet instant, je ne sais toujours pas si ce que j’ai vu est réel ou bien le fruit de mon imagination !
Je laisse le cortège repartir et continue donc à contresens jusqu’à l’entrée de la forêt de laquelle je suis sorti une demi heure plus tôt.
Là j’enrage de mon manque de lucidité et fais demi tour jusqu’à ce fameux rond point. Il est temps que je trouve un endroit pour dormir un peu.
J’arrive peu après dans un petit village où un jeune m’accoste en me demandant ce que je cherche Apparemment ça ne le choque pas plus que ça de voir un vagabond en vélo dans son village à deux heures du matin !
Je trouve des toilettes publiques qui vont me servir d’abri pour la nuit et je m’endors assez rapidement pour deux heures de sommeil bienvenues.
C ‘est donc relativement bien reposé que je repars dans le froid sur un meilleur rythme pour entamer cette dernière journée. Mon insert a l’air de tenir, pour l’instant tout va bien !
L’ascension d’une colline par un sympathique sentier va me permettre d’admirer le lever du soleil. Le temps est clair et une belle journée s’annonce une nouvelle fois. Par contre il fait froid et le sol est carrément gelé !
